La place de la Savane
Face à la baie de Fort de France et aux pieds du Fort Saint-Louis, la place de la Savane, un grand jardin en forme de quadrilatère parsemé de petites allées et d'arbres majestueux est un des hauts lieux de la vie sociale foyalaise.
Construite au XVIIIème siècle sur un terrain gagné sur la mer et la mangrove, la place de la Savane n'était pourtant au début qu'un vaste champ d'instruction militaire sur lequel s'exerçaient les soldats de la garnison du Fort Saint-Louis. Mais la population de la ville s'appropria le lieu peu à peu, ravie de trouver là un espace propice aux promenades vespérales. On y vient pour se détendre après une journée de travail, discuter des affaires de la colonie ou se rencontrer sous la relative fraîcheur des grands arbres tropicaux plantés là au fil du temps (Palmiers royaux, bakouas, fromagers, figuiers).
Sous Louis-Philippe, vers 1830, la place perd d'ailleurs sa vocation militaire pour devenir "Jardin du Roi". L'espace est réaménagé et planté d'une multitude d'espèces végétales provenant de l'île et d'autres territoires de la mer des Antilles. En 1859, une statue en marbre de Carrare de l'impératrice Joséphine, oeuvre du sculpteur Vital Dubray est installée en son centre. Douze palmiers royaux sont plantés autour, formant une sorte de haie d'honneur.
Mise à mal par le terrible cyclone du 18 août 1891 qui dévaste la Martinique, la place de la Savane est progressivement restaurée puis agrandie en 1935 à l'occasion de la grande fête célébrant le tricentenaire de la colonisation de l'île. Et c'est à cette époque que le front de mer est réaménagé avec la construction d'une grande digue sur laquelle passe de nos jours le boulevard Alfassa.
Aujourd'hui, après plusieurs années de lourds travaux entamées après le passage du cyclone Dean en 2007, la place de la Savane est redevenue un des lieux majeurs de la vie de la capitale martiniquaise. Un espace de promenade, de rencontre autour duquel sont organisés la plupart des grands évènements culturels et festifs de la ville.
La Martinique de Louis Garaud, 1898
Au sud entre la ville, le fort Saint-Louis et le Carénage, s'étend une immense prairie carrée, bordée par une allée de manguiers et au centre de laquelle s'élève une statue isolée. C'est le rendez-vous des fonctionnaires, à cinq heures du soir, quand les bureaux se ferment. On y va deux à deux, en famille, un peu en toilette, d'un air légèrement compassé. On y cause à voix basse ; on y fait peu de bruit ; on s'y observe, on craint de parler haut. On dit pourtant que c'est de là que partent tous les petits cancans, les commérages et les menus potins. On m'a même confié à l'oreille que c'est là, sur certains bancs à l'écart, qu'on fait les réputations et qu'on défait les gouverneurs.
Poème de E.Lemerle 1865
C'est l'heure où le soleil achevant sa carrière S'enfonce et disparaît sous l'horizon lointain; Le ciel est coloré d'une rouge lumière, Dernier reflet du jour qui marche à son déclin. Les pitons du Carbet dressent au loin leurs têtes, Qui se parent le soir de teintes violettes, Et le fort Saint-Louis, debout au sein des flots, De la cité s'apprête à garder le repos. Sur la nature entière un long silence plane ! C'est que tout ce qui vit attend pour respirer Que la brise du soir souffle sur la savane. La voilà qui s'élève, on l'entend soupirer. Sur nos fronts fatigués que son aile caresse Elle verse des flots de suaves fraîcheurs, Et pour mettre le comble à notre douce ivresse. De nos champs embaumés nous porte les senteurs. Oh ! Qu’après les ardeurs d'un jour caniculaire, Avec délice on sent s'amollir l'atmosphère! Aussi des promeneurs la foule d'accourir; La poitrine oppressée à l'air pur se dilate. Des nouvelles du jour chacun veut discourir; Pour eux, c'est le Forum où la parole éclate, C'est aussi le salon en plein vent transporté, Car le logis brûlant par tous est déserté.