Architecture en Martinique
Les habitants de la Martinique se sont inspirés des pratiques de leurs cultures d'origine dans la conception des bâtiments et des maisons. Leur architecture, bien que ne négligeant pas l'esthétisme, est avant tout pratique. Le climat tropical a ses particularités, et la nature peut y être féroce (cyclones, tremblements de terre). Les bâtisseurs ont du s'y adapter.
Les Cases
A l'époque amérindienne, les Arawaks vivent dans des petits villages de huttes installés le plus souvent au bord d'un cour d'eau ou à proximité de la mer. Une hutte plus grande que les autres, "le Carbet", centralise la vie commune, tandis que d'autres, plus petites, "les Ajoupas", servent au repos. Par commodité et sécurité, la cuisine est séparée du reste des constructions. La conception de ces abris donnera des idées aux premiers colons. A leur arrivée sur l'île, ils commencent à édifier des "Cases" rustiques à pièce unique. Les façades sont faites de branchages tressés et parfois de torchis, une couverture végétale joue le rôle de toit, et un petit bâtiment extérieur accueille la cuisine. On les appelle "les case en gaulettes", dont certaines sont encore visibles dans le sud de la Martinique. Au fil du temps, les premières cases sont améliorées. Des planches recouvrent les façades et des tuiles sont utilisées pour la toiture. Les plus perfectionnées se voient dotées d'une base cimentée, plus confortable que la terre battue, et plus résistante à l'humidité et aux intempéries. Dans les agglomérations, là où les terrains sont onéreux, l'architecture de la case évolue en gagnant un étage. On parle alors de "maison de bourg". Le rez-de-chaussée est construit en ciment pour éviter la propagation des incendies, tandis que l'étage reste en bois. Souvent, un balcon en fer forgé ou en bois vient agrémenter le tout.
Les Maisons de maîtres
Au début de la colonisation, les colons, qu'ils soient propriétaires terriens ou non, vivent à peu près dans les mêmes conditions. La maison de maître n'est guère qu'une case un peu améliorée autour de laquelle gravitent celles des engagés et des esclaves. La mise en exploitation de l'île terminée, et le succès économique aidant, l'habitat se différencie progressivement. L'esclave reste dans sa case tandis que le maître édifie une maison confortable avec une galerie couverte et un deuxième étage en retrait, "le Belvédère". D'inspiration européenne, la maison de maître est remarquablement adaptée au climat tropical. Le toit de tuiles pentu déborde largement pour mieux protéger l'habitation des pluies torrentielles, et une galerie couverte isole les pièces de séjour et de réception de la chaleur extérieure. Tout est fait pour optimiser la circulation de courants d'air frais. Les maisons sont construites sur des hauteurs exposées aux Alizés, et les fenêtres ne sont pas vitrées, mais équipées de persiennes. Enfin, un sol carrelé contribue à conserver la fraîcheur du lieu.
L'architecture métallique
Fille de la révolution industrielle du XIXème siècle, l'architecture métallique remporte un grand succès en Europe et bientôt aux Antilles. Avant tout pratique, elle permet d'édifier des bâtiments solides aptes à résister aux assauts des cyclones ou aux secousses des tremblements de terre. En Martinique, la ville de Fort-de-France ravagée par le terrible incendie de 1890 puis achevée par le cyclone de 1891 va servir de terrain d'expérimentation. L'architecte Henri Picq relève la cathédrale et construit la Bibliothèque Schoelcher. La plupart des marchés de l'île sont alors modernisés et dotés d'un squelette de métal.
Description d'un carbet caraïbe à la fin du XVIIème siécle
"Les maisons des Caraïbes s'appellent carbets; je ne sais point l'étymologie de ce nom-là. Je n'ai jamais entendu dire qu'il y'en eût dans toute la Martinique d'autres que celui de La Rose. Ce carbet avait environ soixante pieds de longueur sur vingt-quatre à vingt-cinq pieds de large; il était fait à peu près comme une halle. La couverture était de feuilles de palmiste et descendait aussi bas que les chevrons. A dix pas de ce bâtiment, il y'en avait un autre de la grandeur à peu près de la moitié du premier, qui était partagé en deux par une palissade de roseaux. La première chambre servait de cuisine; sept ou huit femmes ou filles étaient occupées à faire de la cassave. La seconde chambre servait apparemment pour coucher toutes ces dames, avec les enfants qui ne sont pas encore admis dans le grand carbet; il n'y avait d'autres meubles que des paniers et des hamacs. Le plancher était de terre battue, fort net et fort uni. Il y avait un assez bon feu vers le tiers de la longueur du carbet, autour duquel huit ou neuf Caraïbes, accroupis comme quand on fait ses nécessités, fumaient en attendant que quelques poissons, qu'on appelle des coffres, fussent cuits."
Père Jean-Baptiste Labat, "Voyages aux Isles" 1693-1705.
Les Forts
Dès les premières années de la colonisation, des forts sont édifiés par les colons. Fort Saint-Pierre en 1635, et Fort Saint-Louis en 1638. L'île n'est pas sûre. Les Arawaks se montrent combatifs, et les anglais ou les hollandais peuvent débarquer à tout moment. A cette époque, du temps des seigneurs propriétaires de l'île, les colons ne peuvent compter que sur eux-mêmes et leurs faibles moyens. Les forts ne sont qu'un assemblage grossier de rondins. Des pieux en bois entourent et protégent un donjon. A la fin du XVIIème, lors de l'annexion de la Martinique au domaine royal, et de la prise en compte de son importance stratégique, de large crédits sont débloqués pour la transformation de ces fortins en vraie citadelles à la Vauban.